Ye Xingqian ou l’émotion du trait
L’œuvre de Ye Xingqian est double à plusieurs titres. Entre France et Chine, l’artiste puise son inspiration dans deux cultures diamétralement opposées et les lie à sa manière. On rencontre ainsi dans ses travaux le trait chinois, sous différentes formes, combiné à une recherche qui se place dans la continuité de celles ouvertes par l’abstraction lyrique. Lorsqu’on regarde une de ses créations, on retrouve du Wu Guanzhong, du Fong Chung-Ray, du Zao Wou Ki, du Hu Chi-Chung mais c’est bien du Ye Xingqian que l’on observe. Le parallèle avec ces figures que nous qualifierons de tutélaires est d’autant plus fort qu’on lit dans son œuvre ce même aller-retour entre l’approche traditionnelle et l’expérimentation contemporaine, entre figuration de motifs chinois et abstraction onirique, entre encre de Chine et peinture à l’huile.
Un retour aux origines se décèle lorsque, telle une résurgence, apparaît un lotus, un rocher ou une forêt de bambous. Des motifs typiquement chinois jalonnent les œuvres de Ye Xingqian comme des marqueurs identitaires, souvenirs d’une enfance baignée dans la peinture chinoise. À l’opposé, dans d’autres créations, ce sont des architectures européennes qui surgissent et rappellent que l’artiste travaille en France depuis trente ans et qu’il s’est nourri d’influences qu’il a pu y découvrir. Face aux expérimentations du peintre, on se pose à nouveau la question de la nature abstraite de la peinture traditionnelle développée depuis 3000 ans en Chine. L’œuvre de Xu Wei (1521-1593) en est la parfaite illustration. Connu pour l’expressivité et la rapidité de ses coups de pinceaux, le peintre de la dynastie Ming (1368-1644) s’est approché des frontières de l’abstraction dans des œuvres comme le Za hua tu juan conservé au musée de Nanjing.
Ye Xingqian nous présente dans cette exposition un corpus représentatif de sa manière, dans lequel on remarque au premier regard ses réflexions sur la composition, ses constructions d’atmosphères et sa maîtrise des couleurs. Un véritable souffle poétique semble emporter son trait dans un espace où peut s’exprimer sa liberté afin de créer une émotion.
Adrien Bossard
Conservateur du patrimoine
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